FOYERS, DITES-MOI VOTRE NOM, JE VOUS DIRAI QUI VOUS ETES !

INTRODUCTION

Au siècle dernier, la Région Maritime Méditerranée (RMM) comptait en son sein pas moins de dix sept Foyers. Si certains de ces Foyers portent ou portaient des noms presque ordinaires, tels le Foyer du marin à Castigneau, le Foyer de l’Oratoire à l’hôpital de l’Oratoire, les Foyers du Pharo et de la Canebière à Marseille, d’autres étaient baptisés de noms parfois surprenants, voire désuets, et qui intriguèrent certainement plusieurs générations de marins, lorsque ces derniers franchissaient quotidiennement leurs portes et en découvraient ces épigraphes. Si aujourd’hui, le nom de « La Naïade » est toujours bien présent dans l’esprit des ressortissants de la marine en quête de détente et de loisirs, qu’évoquent donc pour nos lecteurs  « La Trirème », « La Melpomène » ou « L’Astrolabe », pour ne citer que ces Foyers aujourd’hui disparus.

 

Savoir par qui et pourquoi les noms de ces Foyers furent choisis nécessiterait des recherches, certainement passionnantes, auprès du Service historique de la marine. Tel n’est pas pour l’heure le but de cet article. Il apparaît cependant intéressant de dévoiler, à ceux qui l’ignoreraient peut-être, l’origine des noms attribués à ces organismes.

 

Les noms de baptême des Foyers de la RMM peuvent être répartis en deux catégories : l’une ayant des liens directs avec la marine et plus particulièrement la construction navale, la seconde se rapportant aux divinités de la mythologie grecque et romaine.

 

Enfin, pour qui souhaiterait approfondir cette réflexion, on peut sans nul doute, dans les intentions de ceux qui, un jour, décidèrent d’attribuer ces noms à nos Foyers de la marine, y trouver des liens directs entre ces noms de baptême et les unités où étaient implantées ces foyers. (Le Nautilus pour le Foyer des sous-mariniers en est un exemple flagrant).

 

Noms ayant un lien avec la marine

Foyer de l’école des Bormettes, « L’Astrolabe » : Mot issu du grec astron « astre », et lambanein « prendre ». Appareil servant à la détermination astronomique de l’heure ou des coordonnées géographiques par mesure de la hauteur d’un astre au-dessus de l’horizon. Les astrolabes anciens, dont le prototype aurait été conçu vers 240 avant J.-C. par Hipparque, sont principalement constitués d’un cercle gradué vertical et d’un viseur (l’alidade)

 

Foyer de la BAN de Hyères aujourd’hui foyer le Palmier, « Le Redan » : Altération du mot redent désignant un ornement gothique formé d’une suite de découpures en forme de dents. Vers 1677, le mot redan désignera un ouvrage de fortification composé de deux faces qui forment un angle saillant. Ce terme désigne également le décrochement dans la coque d’un hydravion ou d’un canot à moteur, destiné à réduire le contact avec l’eau, à grande vitesse.

 

Foyer d’abord rattaché au Béarn, puis foyer de la base des sous-marins et ensuite implanté au centre de ré oxygénation des sous-mariniers à La Condamine (05), « Le Nautilus » : Nom donné par Jules Verne, dans son roman Vingt mille lieues sous les mers (1869), au sous-marin dirigé par le capitaine Nemo. Ce fut également le nom du premier sous-marin à propulsion nucléaire, lancé en 1954 par les Etats-Unis qui, parti de Point Barrow, en Alaska, atteignit la mer du Groenland en passant sous la calotte glaciaire.

 

Foyer de la BAN Saint-Mandrier, « La Carraque » : La carraque était un bateau à voile, aux formes très rondes, possédant de grands châteaux avant et arrière. De grands navigateurs, tels Christophe Colomb ou Jacques Cartier naviguèrent sur ces carraques, proches de la caravelle. Pedro de Mendoza effectua également son voyage à Rio de la Plata sur une carraque, « la Santa Catalina ».

 

Foyer implanté près des grands bassins de Vauban, « La Trirème » : Dans l’Antiquité, la Trirème était un grand navire de guerre rapide et léger utilisé par les Romains et les Carthaginois, et possédant trois rangées de rames superposées.

 

 

Noms de divinités

Foyer de la BAN de Cuers, « La Sirène » : Les sirènes étaient des nymphes, filles du fleuve Achéloos et de la muse Melpomène, ou encore de Phorkys et de Stérope. Déméter, irritée contre ces nymphes parce qu’elles avaient assisté indifférentes à l’enlèvement de Perséphone par Pluton, les métamorphosa en monstres, moitié femme et moitié oiseau, ou suivant certains auteurs, moitié femme et moitié poisson. Retirées dans les îlots situés entre la côte de Sicile et celle d’Italie, les sirènes attiraient les navigateurs par la douceur de leurs chants et les faisaient périr sur les écueils (épisode de l’Odyssée). Ayant échoué auprès d’Orphée et d’Ulysse, elles se précipitèrent dans la mer et furent métamorphosées en rochers, un devin ayant prédit qu’elles cesseraient de vivre si quelqu’un pouvait ouïr leur chant sans en devenir la victime.

 

Foyer implanté aux appontements de Milhaud au lieu et place de l’actuel gymnase Commandant Tailliez, « Le Triton » : Dieu de la mer dans la mythologie grecque primitive, il fut par la suite donné comme le fils aîné de Poséidon - ou de Nérée - et d’Amphitrite, ou comme l’assesseur de la déesse Tritogénia, confondue ensuite avec Athéna. Il lutta contre Héracklès. Tardivement, il ne fut plus qu’un dieu marin faisant partie du cortège de Poséidon-Neptune, et il se multiplia, les tritons étant les compagnons habituels des dieux de la mer. Mi-homme, mi-poisson, il avait pour attribut principal une conque dans laquelle il soufflait pour apaiser les flots déchaînés, et pour cette raison les marins le vénérèrent longtemps.

 

Foyer du Vème dépôt puis du centre Malbousquet et aujourd’hui implanté au sein de la base navale, « La Naïade » : Dans la mythologie grecque, nymphes des fontaines (en grec Naïades, de naein, « couler » en parlant d’une rivière). Les Naïades sont les nymphes qui président aux fontaines, aux sources et aux cours d’eau. Innombrables, elles sont, selon Homère, « filles de Zeus », parfois filles d’Océan ou du dieu du fleuve où elles habitent. On les représente habituellement comme de jolies jeunes filles aux jambes et aux bras nus, avec un symbole du lieu ou elles habitent : un coquillage, un vase qui verse de l’eau, des plantes aquatiques,...

 

Foyer de l’école de Porquerolles, « La Melpomène » : Melpomène est l’une des neuf Muses, qui présidait au chant et à l’harmonie, puis à la tragédie. Filles de Jupiter et de Mnémosyne (la mémoire), les neuf muses, suivant les anciens, présidaient aux arts libéraux, surtout à l’éloquence et à la poésie, et symbolisaient ce que nous appellerions aujourd’hui « la culture ». Elles étaient soeurs, pour montrer que les arts s’enchaînent. Clio présidait à l’histoire, Euterpe à la musique, Thalie à la comédie, Melpomène à la tragédie, Terpsichore à la danse, Erato à l’élégie, Polymnie à la poésie lyrique, Uranie à l’astronomie, enfin Calliope à l’éloquence et à la poésie héroïque. Les muses habitaient avec Apollon le Parnasse, parfois l’Olympe et l’Hélicon.

 

Foyer de la BAN d’Aspretto, près d’Ajaccio, en Corse, « La Magicienne » : La mythologie cite deux magiciennes célèbres, Médée et sa tante Circé. Ulysse ayant abordé dans l’île de cette dernière, la magicienne, fille d’Hélios et de Persée, souhaitant le retenir près d’elle, fit boire à ses compagnons une liqueur enchantée, qui les transforma en pourceaux. L’histoire de Médée, quant à elle, se rattache à la légende des Argonautes et de la Toison d’or.

Ne connaissant pas les intentions réelles de celui ou celle qui baptisa ce foyer, c’est par pure déduction et pour respecter une suite logique que l’on peut penser que le nom du foyer « La Magicienne » faisait référence à ces divinités. Un de nos lecteurs pourra, nous l’espérons, infirmer ou confirmer cette théorie.

 

Foyer de l’école du cap brun, « La Danaé » : Danae était la fille d’Acrisios, roi d’Argos. Un oracle ayant prédit à son père qu’il serait tué par le fils de sa fille, celle-ci fut enfermée dans une tour d’airain. Zeus, métamorphosé en pluie d’or, la rejoignit et de leurs amours, naquit Persée. Plus tard, le héros devait tuer involontairement Acrisios en lançant un disque et c’est ainsi que la prédiction vérifia.

Danaé recevant Zeus métamorphosé en pluie d’or est un sujet qui fut souvent représenté par les peintres tels Titien (musée de Naples), Van Dyck (musée de Dresde), Rembrandt (musée de Saint-Pétersbourg), etc....

 

Foyer de l’EAMF, (école des apprentis mécanicien de la flotte) puis du GEM, aujourd’hui foyer du CIN Nord rebaptisée « Elisabeth Boissat » en hommage à sa directrice de foyer, « L’ Ariane » : Fille de Minos et de Pasiphaé, soeur de Phèdre, Ariane est « la très sacrée ». Son histoire prend place dans le mythe de Thésée et du Minotaure. Eprise de Thésée, Ariane fournit au héros le fil qui l’aidera à sortir du labyrinthe. Thésée parvient à tuer le Minotaure, puis il enlève Ariane et part avec elle pour Athènes, mais il l’abandonne, endormie, dans l’île de Naxos, où il a fait escale. Le mythe raconte qu’Ariane une fois sur Naxos, rencontre Dionysos ; le dieu s’éprend aussitôt d’elle, l’épouse et l’emmène avec lui sur l’Olympe. Par métaphore, le fil d’Ariane est une expression qui désigne un moyen discret qui permet de se repérer dans une situation ou un domaine complexe.

Le mythe d’Ariane a inspiré de nombreux auteurs. Citons : Ariane, tragédie de Thomas Corneille ; Ariane à Naxos, acte lyrique de Richard Strauss sur un livret de Hofmannsthal (1912).

 

Foyer de l’hôpital Saint Anne, « La Néréide » : Dans la mythologie grecque, les Néréides étaient des divinités marines, filles de Nérée et de Doris. Homère (Iliade) et Hésiode (Théogonie) donnent chacun une liste des Néréides, dont certaines sont communes aux deux auteurs : Glaukè, Thalie, Kymodokè, Spéiô, Thoè, Nésée, Actée, Phérousé, Doris, Galatée, Amphitrite, Hippothoè, Lusianassa, ...

Parmi elles, seules Thétis, la mère d’Achille, Amphitrite, l’épouse de Poséidon, et Galathée font l’objet de mythes particuliers. Les Néréides vivent au fond de la mer, et se distraient en chantant et en nageant parmi les dauphins. Dans l’Iliade, elles sont réunies autour de Thétis pour pleurer le destin d’Achille.

 

EV1 Bernard HIPAULT (2000)

 

Bibliographie

 

- Légendes de la Grèce ancienne (Roger Lamerlyn Green) – Editions des deux coqs d’or

- La mythologie grecque et romaine (Rémi Simon) – chez Nathan

- Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine – chez Larousse

- Quid 2001

- Encyclopédie multimédia Hachette

- Sites Internet geocities.com - romaeterna.org