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PERIODE DE RESERVE SUR LE PA FOCH - 1980

Par le DF3 François Lagneau.

 

 

 

Du 3 au 23 mai 1980, le Directeur de Foyer de 3e classe (R) LAGNEAU a effectué une période de réserve de 21 jours à bord du porte-avions FOCH.

 

 

Avec l'autorisation de l'auteur, nous publions ci-après une large partie du rapport transmis à l'autorité maritime à l'issue de cette expérience unique.

 

 

 

(...) Il m’a été demandé de m’occuper, en liaison avec les deux aspirants de marine, l’un du SIRPA, l’autre de «COLS BLEUS» :

  • Des émissions quotidiennes de télévision sur «TELE FOCH» et de certains reportages, ponctuels (historique du 8 mai, manœuvres en plage avant, à l’occasion d’un mouillage, distribution des repas équipage, fonctionnement de la boulangerie, de la cuisine, des approvisionnements en marchandises consommables, des services météo et sécurité,etc…).

Avec l’aspirant de marine, adjoint à l’officier des sports :

  • De l’organisation d’une coupe de traction à la corde (offerte par le Maire de Briançon), à l’occasion du premier «mouillage» du bâtiment en baie d’AUGUSTA (18 équipes engagées, plus de 1000 spectateurs sur le pont d’envol) ;
  • De l’étude d’un projet de salle de musculation ;
  • De l’étude d’un «carnet d’accueil», destiné aux nouveaux embarqués.

 

Avec l’Aspirant, adjoint à l’Officier d’information :

  • De l’affichage, de la préparation et de l’exécution de trois excursions, au bénéfice de 600 participants, à l’occasion de l’escale en SICILE :
    • a/ Visite de la ville de PALERME (après-midi),
    • b/ Sortie à MARSALA et région (journée),
    • c/ Sortie à AGRITENTE et sa région (journée).

J’ai organisé, par ailleurs, cinq séances de projection sur la haute montagne, successivement au profit de : l’équipage, des Officiers-Mariniers, des Officiers. J’ai eu l’agréable surprise de constater, en fin de séance, au carré la présence du Vice-Amiral de CASTELBAJAC, Commandant l’Escadre de la Méditerranée, lequel a bien voulu me complimenter.

J’ai participé, de mon mieux, à des séances de travail au niveau des services sports, distraction et information.

Toutes choses m’ayant toujours été facilitées par le Commandement (Commandant, Commandant en second, C.S.I.), il m’a été possible de prendre contact avec la plupart des services et de suivre, au plus près, les différentes phases de l’exercice «DAWN PATROL», auquel participait activement le porte-avions. J’ai pu filmer à loisirs catapultages, appontages, ravitaillement à la mer, suivre «PEDRO» (hélicoptère chargé de la sécurité des pilotes lors d’appontages et catapultages) dans ses différentes évolutions.

J’ai été l’objet d’invitations aussi amicales qu’inattendues de la part de l’Amiral TARDY, Inspecteur Général de la Marine, à bord pour 48 heures ; du Vice-Amiral de CASTELBAJAC, Commandant de l’Escadre et du Capitaine de Vaisseau COATANEA, Commandant du FOCH, à l’occasion du cocktail offert aux officiers en fin d’exercice d’une part ; à la table de l’Amiral, d’autre part ; au cocktail offert aux autorités italiennes parle Contre-Amiral DEGERMAN, Commandant des porte-avions et du Capitaine de Vaisseau COATANEA, à l’occasion de l’escale à Palerme ; du Capitaine de Frégate REGNAULT, Commandant en second au carré des Officiers supérieurs ; du Major LE BERRE, à la salle à manger des OMS ; du Maitre POTIN, à la salle à manger des OM.

J’ai partagé le repas de l’Equipage à l’occasion des excursions et j’ai été l’objet de mille marques de sympathie de la part des Officiers Subalternes, dont j’ai partagé la vie pour la durée de l’exercice.

J’ai passé des heures à la passerelle, à la timonerie, à la plate-forme artillerie et dans la plupart des services communs (y compris la coopérative, le bureau information, etc…).

 

En bref, j’ai participé, à plein temps et sans discontinuer, à la vie exaltante de ce bâtiment où la jeunesse est telle que je me suis découvert quasi le plus âgé ! J’étais de loin le doyen au carré des Officiers Subalternes.

Cette expérience valait la peine. Je l’ai vécue, d’un bout à l’autre, au cours d’un exercice fort exigeant, m’efforçant avec conviction de jouer mon rôle de Directeur de Foyer ; en toutes circonstances, profitant au maximum de tout ce qui concernait la vie du bord au cours des différentes phases de l’exercice ; qu’il s’agisse des mises au «poste de combat», des alertes aviation, des nombreux exercices de sécurité ou du service courant.

 

Je tire plusieurs leçons de cette expérience :

 

1/ Grâce au Lieutenant de Vaisseau HALLEMAN, qui n’a pas ménagé sa peine à mon égard et m’a entouré de mille attentions délicates, j’ai appris à utiliser caméra et magnétoscope pour des reportages internes, à parler dans le cadre d’un studio de télévision, à préparer des séquences (5 minutes de télévision exigent parfois une journée de travail). J’ai fait connaissance avec tous les services dont cet officier à la charge (sports, distractions, information ; mais encore : compagnie de débarquement et autres missions des fusiliers) et suivi de près certaines de ses obligations en qualité de capitaine de compagnie (pour la notation en particulier).

2/ Grâce au Capitaine de Frégate JOUANIN, Chef du Service Intérieur, j’ai obtenu l’autorisation de me mêler à tous les milieux en toutes circonstances, tout en restant prudemment et modestement à ma petite place. J’ai pu ainsi voir «vivre» ce bateau dans toutes ses dimensions et comme on dit : «Prendre sa température».

3/ Grâce à l’exercice «DAWN PATROL», j’ai pu exercer mes fonctions dans des conditions parfois délicates de telles sortes que je me crois autorisé à tirer au moins des conclusions personnelles.

 

Ces conclusions sont les suivantes :

 

1. Au plan matériel,

1.1. La cafétéria équipage est surchauffée. Elle est de ce fait difficile à utiliser pour des concours (belote, bridge, etc…). Les matelots (peu nombreux) qui assistent aux séances de cinéma sont en short et torse nu. L’écran étant bas, la visibilité est des plus restreinte. Le son m’a paru mauvais.

1.2. La salle de distraction est trop petite et sous-équipée. Il y manque des jeux du type : baby-foot, juke-box, flippers mais aussi un bar où pourraient être en service des boissons non-alcoolisées.

1.3. Le bureau info est beaucoup trop décentralisé. Il y aurait intérêt qu’il soit situé à proximité de la salle de distraction.

1.4. Dans toute mesure du possible, le bureau sport également.

1.5. Si les films doivent continuer à être projetés en cafétéria équipage, il serait utile que soit envisagé l’aménagement d’une cabine de projection, permettant également le stockage d’une soixantaine de bobines 16 mm, ceci pour des raisons évidentes de bon entretien du matériel et de meilleure organisation du service.

1.6. La bibliothèque équipage n’est pas mise en valeur. Or, j’ai remarqué que les matelots lisent énormément (n’importe quoi).

1.7. La décoration des postes équipages mériterait d’être étudiée. Elle éviterait le mauvais goût, voire une certaine atmosphère qui m’a paru malsaine à force de tourner autour du même sujet (étalement sinon pervers, du moins exagéré).

1.8. Les tournois et les clubs n’existent pour ainsi dire pas et c’est dommage. Un club de planche à voile est en train de se constituer. Nombreux sont ceux qui s’en réjouissent parmi les officiers et officiers-mariniers. Il n’est pas certain qu’il en soit de même pour l’équipage. Mais cet essai mérite d’être encouragé.

1.9. Plusieurs m’ont demandé d’organiser des «causeries», des tournois de «bridge», de belote, voire de dominos. Il y aurait beaucoup à faire en matière d’activités récréatives, éducatives, culturelles auprès de l’équipage, avec les moyens du bord. Il n’est pas du tout certain que des opérations ponctuelles du type «DARNICHE» ou «JOHNNY HALLIDAY» (déjà réalisées) soient de nature à satisfaire vraiment les souhaits de l’équipage.

1.10. La commission dite des distractions se réunit trop peu souvent (ou pas du tout ?)

1.11. L’affichage. Il est bien placé, à proximité de la cafétéria. Mais, il est confus (trop de rubriques diverses dont l’essentiel ne change jamais - par exemple en ce qui concerne les consignes de sécurité. Il faudrait un affichage de réelle information quotidienne avec des tableaux mieux présentés. L’affichage m’a paru avoir une très grande importance.

1.12. L’aménagement d’une salle de culture physique, envisagée sur la plage arrière, me parait, non seulement une bonne idée, mais une installation quasi indispensable à réaliser au plus tôt.

1.13. Le vélo. Un nombre impressionnant sont embarqués. Leurs propriétaires les utilisent dès que le bâtiment est à quai. J’ai trouvé cette initiative des plus sympathiques. Elle pose le problème du stockage des bicyclettes à la mer. Peut-être qu’un système de crochets installés dans le hangar aviation, permettrait de les suspendre serrés les uns contre les autres, sans prendre trop de place et gêner quoi que ce soit.

1.14. Les foyers à terre. A ce que j’ai pu entendre, le cercle du marin de Toulon parait très apprécié par tous ceux qui le fréquentent, mais, je n’ai pas eu le temps d’approfondir vraiment les besoins des uns et des autres lorsque le bâtiment est à quai à Toulon.

 

2. Au plan des principes.

2.1. Quelles que soient les circonstances ou l’intensité des exercices à bord d’un porte-avions, les hommes au repos ont besoin de se distraire et ces distractions méritent d’être organisées et donc bien préparées. L’importance du nombre, la complexité des services, les priorités d’ordre militaire, les charges de leurs fonctions, la fatigue du quart ne permettent pas aux officiers actuellement chargés de ces activités, considérées comme annexe, quoi que jamais superflues, de les mener à bien dans les meilleures conditions.

2.2. La coordination, l’organisation, l’exécution des activités récréatives, éducatives, socio-culturelles et sportives exigent une très grande disponibilité et une réelle compétence, sous peine d’être inutiles, voire d’aller à l’encontre du but recherché. Les responsables désignés doivent être convaincus de la valeur de ces fonctions, provoquer l’enthousiasme et pour cela se trouver toujours disponibles au bon moment, c’est-à-dire, débarrassé de toute autre occupation.

2.3. Cette constatation est valable aussi bien en ce qui concerne les distractions, l’information, le rôle de l’’officier conseil. Quoique moins évidente, à priori, elle ne l’est pas moins au plan sportif, les activités sportives étant très intimement liées aux précédentes, dès lors que le bâtiment est au mouillage ou à quai, en France comme à l’étranger.

2.4. Il serait donc utile, me semble-t-il, qu’un officier du bord soit chargé, à l’exclusion de toute autre fonction, d’assurer la coordination des activités précitées.

2.5. Le système qui fait du Commissaire le tenant des ressources nécessaires à la plupart de ces activités, ne souffre aucune discussion. Il est parfait. Il serait donc regrettable, dans toute la mesure où la fonction DISTRACTION pourrait-être confiée, par exemple à un Directeur de foyer, que celui-ci consacre du temps aux activités commerciales.

2.6. Si la fonction de Directeur de Foyer devait-être envisagée à bord d’un porte-avions, il serait vivement souhaitable que le choix se porte sur un Directeur qui ai rang de Lieutenant de Vaisseau ancien, en particulier pour s’assurer de la collaboration nécessaire des Officiers-Subalternes. L’idéal serait qu’il soit de taille à être Président ou Vice-Président du carré. Cette fonction faciliterait sa tâche et lèverait toute ambiguïté quant à son rang.

2.7. L’état d’esprit. Je l’ai trouvé très bon. Bien meilleur que je ne l’imaginais. Il suffit de constater le nombre de participants à ce qui fut organisé. Plus de 1000 spectateurs pour la coupe de traction à la corde. Plus de 600 participants aux excursions. Ceci pour expliciter mon propos et prouver que l’équipage répond avec enthousiasme dès lors qu’il est sollicité. (...)

 

Signé, DF3 (R) LAGNEAU (4 juin 1980).