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BREF HISTORIQUE ET PHILOSOPHIE DES FOYERS

par le DF3 François Lagneau.

 

 

PREAMBULE

 

Je suis devenu « Directeur de Foyers » par le Scoutisme que je pratiquais depuis mon adolescence. Devenu marin de l’Etat, et donc à l’âge adulte, j’ai continué à le pratiquer dans le cadre de ce que l’on appelait : « La route des Scouts de France », successivement à Toulon, Rochefort, Saïgon, Dakar, Bizerte. C’est au cours de mon affectation à Dakar (BPAN Bel’Air) que les circonstances m’ont permis de pratiquer un Scoutisme à grande échelle au point d’être remarqué par le Directeur régional des Foyers de la Marine nationale au Sénégal.

Guy SENEGAS, lequel après m’avoir aidé à valoriser mes talents d’animateur, m’a convaincu de poser ma candidature au concours de recrutement d’Elève Assistant de Foyers alors que, secrétaire technique du Chef du service entretien avions (OE1 AUNEAU) et avec ses encouragements, je me proposais, par le biais du CPEOM, de devenir ingénieur mécanicien.

Dès que mon choix fut arrêté, c’est évident, j’ai idéalisé cette profession pour de multiples raisons dont la plus fondamentale est que je désirais, d’un grand désir, être utile à mon prochain or cela me paraissait possible par ce biais... ce qui fut le cas… au-delà de tout ce que l’on peut imaginer ! Mais pas sans difficultés surtout la première année !

Le Scoutisme, fondé par un protestant anglais (Baden POWEL), procède d’une dimension spirituelle indiscutable au point que son fondateur a cru devoir préciser à Lille en 1926 (je cite):‘’ Je renie tout Scoutisme qui n’aurait pas la Religion pour base’’. J’ai fait mienne cette affirmation, non seulement dans le cadre du Scoutisme que j’ai pratiqué jusqu’à l’âge de 48 ans bien sonnés, mais tel fut mon programme de vie à tous niveaux professionnel et extra-professionnel depuis mon plus jeune âge jusqu’à aujourd’hui (84 ans). Sans prosélytisme pour autant ! Je suis catholique et fier de l’être « autant que, mais pas plus que » ; c’est-à-dire que je suis ni fanatique, ni sectaire, mais catholique de tradition. De ce fait mon programme de vie a toujours été basé sur un principe : ‘’Tout homme est mon frère’’. J’ai pressenti d’emblées la dimension spirituelle des Foyers mais ne l’ai vraiment compris qu’en découvrant la personnalité de son fondateur Monsieur Georges Elysée GRANDPERRIN.

 

LA MARINE NATIONALE

Une organisation par Corps de Métiers

 

La Marine a ceci de particulier qu’elle est organisée par corps de métiers. Cette organisation qui procède du bon sens est une force à plusieurs titres dont je m’autorise à évoquer certains.

1) Elle favorise l’esprit de corps, favorise l’esprit d’équipe dont la formule « Unis comme à bord » est une image réaliste ;

2) L’organisation par corps permet des rapports humains apaisés, indispensables à bord de bâtiments de guerre, en mer, et donc isolés de tout autre voisinage ;

3) Cette organisation exclut toute ingérence à qui n’est pas de la même spécialité au sein des Equipages. 

4) Elle favorise l’esprit de compétition au niveau de chaque métier pratiqué, ce qui a pour effet de permettre à chacun, non seulement d’atteindre un niveau élevé de compétences professionnelles, mais, sauf cas de discipline générale, de n’être jugé que par ses pairs.

5) Elle suppose l’existence (et de fait il existe !) d’un corps de commandement dont l’autorité indiscutable et indiscutée exerce et coordonne tous les corps de métiers en charge de la conduite et du fonctionnement des services (de toute unité marine) à terre, en l’air et en mer.

 

LA CREATION DU PCDF

 

Monsieur GRANPERRIN n’est pas, au sens strict du terme, le fondateur des Foyers. Mais, c’est dans le même temps où il a été Directeur de « l’Abri du Marin » à Toulon, de 1919 à 1926, qu’il a muri deux idées fondamentales :

1) La création d’un vrai « Foyer des Equipages de la Flotte ». C’est à lui que nous devons le premier, dont la première pierre a été posée à Toulon par le Président de la République, Monsieur MILLERAND, en 1923 et qui fut inauguré en 1926. Monsieur GRANPERRIN l’a dirigé de 1926 à 1944, date de sa destruction par les bombardements de la ville de Toulon. 

2) Dès 1945, le Ministre de la Marine, Louis JACQUINOT, fait appel directement à Mr GRANDPERRIN et le rattache d’emblée à son Cabinet avec mission d’organiser la mise en place d’un Foyer des Equipages de la Flotte (FEF) par Région Maritime, c’est-à-dire : Toulon, Brest, Cherbourg, Lorient, Rochefort, Paris, Bizerte, Alger, Oran, Dakar. C’est à ce poste ministériel et dans ces conditions que Monsieur GRANDPERRIN a proposé la création du Personnel Civil de Direction des Foyers (PCDF), rédigé un règlement et obtenu la diffusion de la circulaire ministérielle qui traite de toutes les questions relatives au recrutement, à la formation mais aussi à la gestion compliquée et des Foyers et de son personnel de Direction. Ce sera la fameuse circulaire à laquelle feront référence non seulement le Personnel Civil de Direction des Foyers, mais le personnel militaire dont une quinzaine de « Marinettes » qui se porteront volontaires pour assurer le fonctionnement des « Foyers du Marin » en Indochine, expérience qui dura deux ans, de 1947 à 1949 (cf. Livre de Juliette GAUBRY intitulé « Tricornes et Bérets », Préface de l’Amiral P. ORTOLI).

 

Une personnalité hors du Commun : Le Ministre de la Marine Louis JACQUINOT

 

La création du PCDF en 1945 procède de l’organisation par corps de la Marine nationale même si cette « fondation » fut considérée à l’époque comme susceptible de perturber les habitudes par l’intégration de civils au cœur même des Equipages.  

En fait, les Marins sont tellement précis dans les fonctions qu’ils exercent, chacun à sa place, pour la conduite du navire et les exigences du service à bord que l’organisation de FEF tel que Mr GRANDPERRIN le suggérait au ministre de la Marine ne paraissaient pas compatibles avec cet état d’esprit.

Le Ministre Louis JACQUINOT fut un Ministre de la Marine tout à fait remarquable. C’est à lui que nous devons la résurrection de l’Armée de Mer après les épreuves multiples qui furent les siennes au cours de la Deuxième Guerre Mondiale.

Monsieur JACQUINOT avait le pouvoir de bousculer les habitudes. Il ne s’en priva pas, y compris au niveau de ce que l’on a appelé « l’épuration ». Mais avec le souci permanent de rétablir la Marine au niveau qui n’aurait jamais dû cesser d’être le sien. Pour cela il fallait du sang nouveau et un esprit d’ouverture qui, tout en préservant les nobles traditions, soient de nature à séduire des jeunes gens de grande qualité de telles sortes que la Marine puisse évoluer rapidement à plus de modernité en tous domaines.

La mise en place d’un FEF par région maritime, telle que Monsieur GRANDPERRIN le proposait fut donc adoptée malgré quelques « vielle barbes » rebelles à toute « nouveauté » !

 

L’Homme de la Situation : Georges Elysée GRANDPERRIN

 

Plusieurs de mes collègues, Directeur de Foyers, se sont appliqués à écrire sur le personnage exceptionnel que fut notre fondateur. S’agissant de mes propres « Mémoires », je crois utile d’ajouter quelques réflexions complémentaires sur l’historique de notre spécialité.

Je raconte ailleurs, comment j’ai été en quelque sorte « piégé » au moment de poser ma candidature au concours de recrutement « d’Elève Assistant de Foyers ». Mais là n’est pas la question. Ce qui m’a décidé à ne pas démissionner d’emblée, c’est que j’avais idéalisé cette profession au point qu’ayant adopté son uniforme « sans galon » depuis le 24 Juin 1957, je continue de porter fièrement à l’occasion de toutes les cérémonies patriotiques et autres congrès en tous genres des diverses Associations d’Anciens Combattants depuis déjà 61 ans !

 

Monsieur GRANDPERRIN n’est pas n’importe qui.

Bien sûr, il est resté en civil, lui, toute sa vie. Mais c’est à son humilité que nous devons la réalisation du premier FEF digne de ce nom.  Certes, ce fut avec l’appui quasi permanent des plus hautes autorités de la Marine nationale, puisque c’est le Président de la République en personne qui s’est déplacé à Toulon, en 1923, pour poser la première pierre de ce premier FEF. Mais tout le mérite en revient à notre fondateur. Car c’est avec et dans ce premier Foyer, que Monsieur GRANDPERRIN a tout inventé et singulièrement bien résumé ce que devait être la fonction et l’état d’esprit de tout Directeur de Foyers digne de ce nom, à savoir : être compétant et totalement dévoué aux activités récréatives, éducatives, sportives, sociales et psychologiques dont les Marins (de tous grades) ont besoin « lorsqu’ils posent leur sac à terre ». A noter qu’il ne fait pas mention à ce moment-là, du moins, de compétences « commerciales », pourtant vitales pour chaque Foyer ; probablement parce que ce genre de « préoccupations » ne correspondait pas au critère fondamental de qualité qu’il estimait indispensable à tout postulant à la profession de « Directeur de Foyers »… Mais, ceci n’est qu’une supposition de ma part, puisque nous verrons qu’un peu plus tard, il insiste sur l’obligation qu’il y a de tenir une comptabilité stricte au quotidien, des vérifications de caisses au centime près, au besoin, plusieurs fois par jour, une tenue impeccable de tous les livres de comptes, etc.

 

La mise à l’épreuve

 

C’est dans l’épreuve que Monsieur GRANDPERRIN fait la démonstration de toutes ses qualités. L’armistice signé en 1940 entre la France et l’Allemagne ébranle toutes les institutions. Davantage encore à partir de 1942 où les Allemands occupent l’ensemble du territoire national et à Toulon, le « Foyer du Marin ».

Monsieur GRANDPERRIN reste à son poste dans le désarroi qui s’empare de toute la population après le sabordage de la Flotte. Le Foyer reste plus que jamais nécessaire aux marins malgré la présence de l’ennemi. Cette attitude lui sera reprochée à la Libération comme s’il s’était agi d’une insulte aux Libérateurs. Bien heureusement, malgré une arrestation arbitraire et quelques jours passé en prison, Monsieur GRANDPERRIN non seulement sera lavé de tout soupçon mais, dans le cadre du Gouvernement Provisoire du Général de GAULLE, appelé au cabinet du Ministre de la Marine pour y exposer ses projets et proposer une « réglementation » que le Ministre de la Marine acceptera en l’état et transformera d’emblée en « circulaire ministérielle ».

Nommé « Chargé de mission » au Cabinet du Ministre de la Marine, Louis JACQUINOT, le Ministre ayant décidé de traiter la mise en place des FEF à partir de son Cabinet. En effet, ce sera pour des commodités matérielles d’abord, puis la disparition du Ministère de la Marine englobé dans le vaste ensemble du Ministère des Armées, qui sera la cause du rattachement des Foyers au Service Central des Sports (décret du 13 novembre 1945). Ce service important placé sous l’autorité directe d’un Capitaine de Vaisseau, fut transformé aussitôt en « Service Central des Sports et Foyers » et définitivement intégré à l’ensemble des Services de la « Direction du Personnel de la Marine Nationale » (Je crois devoir préciser, pour l’histoire, que tous les Officiers Supérieurs qui se sont succédés à ce poste ont été nommés « Contre-Amiral », ce qui souligne l’importance réelle de ce commandement).

Mais revenons à la prise de fonction de Monsieur GRANDPERRIN. Comme je l’ai précisé ci-dessus, le Ministre de la Marine, Louis JACQUINOT, s’est dépensé sans compter pour rendre à la Marine son prestige d’avant-guerre. Membre du Gouvernement provisoire présidé par le Général de GAULLE, il savait que son poste n’aurait qu’un temps et qu’il fallait faire vite. C’était vrai à tous niveaux mais tout particulièrement celui qui concerne le bon moral des Equipages. Il comptait pour cela sur les Foyers et la mise en place préconisée par Monsieur GRANDPERRIN d’un FEF par Région Maritime. Le Ministre était d’autant plus pressé qu’il était sollicité par ailleurs, avec insistance, pour ouvrir plusieurs Foyers sur le vaste territoire de l’Indochine où la France venait d’envoyer un « Corps Expéditionnaire » important du fait d’une situation dramatique qui ne faisait que commencer… sans compter que l’Indochine était un théâtre d’opérations où l’on ne pouvait envoyer du personnel civil. Une solution paraissait possible avec du personnel féminin de la Marine. Ce fut le cas... Les soucis du Ministre de la Marine étaient ceux du chef d’Etat-Major Général, l’Amiral LEMONNIER et… de Monsieur GRANDPERRIN.  La Marine avait un besoin urgent de recrutement de personnel d’un niveau scolaire suffisant et en capacité d’adaptation rapide pour servir sur les bâtiments de guerre modernisés ou provenant de cessions provisoires ou définitives de nos Alliés. Il fallait que tout le monde s’y mette et les Foyers se voyaient confier une mission d’action psychologique dans ce sens. Je crois devoir insister beaucoup sur cet aspect sous-estimé et surtout ignoré des missions qui furent d’emblée dévolue au personnel de Direction des Foyers.

 

Les humiliations

 

Car il est bon de rappeler pourquoi la Marine de 1945 se trouvait dans un aussi triste état ! Pour cela il me parait indispensable de rappeler, ici, les très dures épreuves, les énormes sacrifices consentis par la Marine Française de juin 1940 à novembre 1942. Une véritable hécatombe !

1) Du 21 mai au 4 juin 1940 ce fut la Bataille de Dunkerque : 20 000 morts, 9 destroyers coulés, 19 endommagés, 200 autres bâtiments coulés dont 9 grands navires de commerce, 177 avions abattus, 40 000 prisonniers, 2 472 canons perdus, 65 000 véhicules, 68 000 tonnes de munitions, 20 000 motocyclettes, 370 000 tonnes d’approvisionnement, 1 400 000 litres de carburant abandonné à l’ennemi !

2) Le 3 Juillet 1940 ce fut le drame de Mers El-Kébir, provoqué par nos amis Anglais ! 1 297 morts (« assassinés » puisque aucun moyen de se défendre), 340 blessés et une « plaie ouverte » qui ne se fermera jamais.

3) L’attaque du Cuirassier « RICHELIEU » à Dakar par des avions torpilleurs anglais (!) : 1 200 morts Indigènes, 350 Marins français.

4) La Force X, réunie dans le port d’Alexandrie sous les ordres de l’Amiral MANSOUR, mise en demeure de se rendre aux Anglais. Ce qui fut accepté, évitant ainsi un nouveau Mers El-Kébir.

5) La dissidence Guadeloupe/Martinique… Pas aussi simple qu’on veut bien nous le raconter aujourd’hui !

6) TOULON : 27 Novembre 1942 - le Drame des Drames ! Le Sabordage de la Flotte d’une grande partie de cette Marine considérée, avant-guerre, comme l’une des plus puissantes du Monde…

 

L’ensemble de ce passé récent pesait lourd et même très lourd sur le dos des Marins encore en activité et que l’esprit vengeur des Libérateurs alourdissait encore… Parmi eux, 12 500 anciens FNFL (Forces Navales de la France Libre) représentés au plus haut niveau par les Amiraux MUSELIER, THIERRY- D’ARGENLIEU, AUBOYNEAU et l’inoubliable Commandant KIEFFER et son Commando puis son RBFM (Régiment Blindé des Force Maritime)… et déjà… déjà… la Guerre d’Indochine !

 

Le projet « fou » de Mr GRANDPERRIN

 

Oui, vraiment « Les Foyers » avaient du pain sur la planche. Monsieur GRANDPERRIN en était conscient au point que son enthousiasme communicatif lui valut les encouragements du Ministre de la Marine et du Chef d’Etat-Major Général. Cependant la réalisation de son projet n’était plus sans poser problèmes, en particulier parce que, avec raison, Monsieur GRANDPERRIN souhaitait disposer d’un personnel spécialement formé par ses soins afin de mettre à la tête de chaque FEF des hommes compétents et formés pour cela. Or, le budget de la Marine ne permettait pas un tel investissement en personnel ! Mr GRANDPERRIN proposa de s’en tenir à du personnel civil qui serait rémunéré au moyen des bénéfices réalisés par les comptoirs de vente (Bar, Bimbeloterie de chaque Foyer). Il affirma que cela lui paraissait possible du fait de son expérience au Foyer du Marin de Toulon qu’il avait dirigé de 1926 à 1942, lequel n’avait jamais cessé de développer ses activités et par ce moyen, d’augmenter son chiffre d’affaires et ainsi ses bénéfices ; suffisamment pour rémunérer modestement, mais correctement, son personnel.

 

Le Ministre et le Chef d’Etat-Major de la Marine (Amiral LEMONNIER) furent d’avis de donner une suite favorable à ce projet et le confièrent pour étude à leurs cabinets respectifs. Et ce fut la « douche froide » pour le Fondateur enthousiaste. Car, si le principe même des FEF proposés était accepté, il convenait, écrivaient les experts consultés, de mettre à leur tête non pas de jeunes animateurs formés à cette profession par Monsieur GRANDPERRIN, mais des officiers récemment rayés des cadres des Armées (pas seulement d’origine Marine). Ces officiers supérieurs ou subalternes étaient tous d’anciens prisonniers de Guerre qui avaient passé 5 ans dans les « OFLAG »  que l’on sait. Un seul (ancien officier de la Marine marchande) était réformé pour maladie contactée en service, un seul était officier marinier supérieur. Je les ai presque tous connus. Je n’en écrirai rien, sauf pour regretter que la Marine ait cru devoir casser ainsi le projet vraiment innovant de Monsieur GRANDPERRIN. Car les Foyers ne se sont jamais « guéris » de cette malheureuse décision ministérielle !

 

L’épuration dans la Marine

 

S’agissant de mes « Mémoires » j’ose (enfin) écrire ce que je pense de tout ce qui s’est tramé à cette époque. La France et donc la Marine sortaient de 5 ans de guerre ; Les esprits étaient en ébullition, sous prétexte « d’épuration » (au souvenir de ceux qui auraient pu collaborer avec les Allemands) et du fait des épreuves subies par la Marine/dans la Marine, au sein même de chaque « unité » ! Il fut décidé, à Toulon comme ailleurs, une véritable chasse aux sorcières. Monsieur GRANDPERRIN du fait de sa fidélité, non au régime, mais au poste qu’il occupait (par vocation) fut dénoncé pour ce seul motif. Cette humiliation publique imposé au fondateur du PCDF l’a profondément marqué, même s’il est clair qu’il n’en a tenu rigueur à personne d’autant que les plus hautes autorités de la Marine ne tardèrent, dès 1945, à le solliciter, non seulement pour qu’il reprenne ses fonctions, mais pour qu’il traite directement avec le Ministre au sein même de son Cabinet !

Mais le climat restait tendu… car des Officiers des FNFL (Forces dites du Général de GAULLE en bonne logique) avaient été nommés aux postes clefs. Parmi eux, la plupart soutenaient l’expérience connue de tous du « fameux » Foyer des Equipages de la Flotte de Toulon ; mais quelques-uns s’opposèrent avec fermeté à toute intrusion de la Marine « par des civils ».

Le Ministre de la Marine et le chef Etat-Major de la Marine s’étant prononcés favorablement pour l’ensemble du projet de Monsieur GRANDPERRIN, il était difficile, voire disciplinairement impossible, d’aller à l’encontre de telles décisions. Mais il fallut tout de même « composer » et c’est pourquoi (m’a-t-on dit) il fut décidé de faire appel à des Officiers « dégagés des cadres » et ainsi tenter de calmer les récalcitrants.

 

L’apport des officiers « rayés des cadres »    

 

De qui s’agit-il ? Les Armées se trouvaient « tout d’un coup » embarrassées par un nombre considérable d’Officiers d’Active, anciens Prisonniers de Guerre récemment libérés à la santé précaire et au moral profondément atteint par les cinq années de captivité qu’ils venaient de vivre Que faire ? Soit les réincorporer… Soit les reclasser sans manquer à la justice. Pas facile en raison de leur nombre et des séquelles résultant de leur « emprisonnement ».

Monsieur GRANDPERRIN avait très sagement proposé (pour commencer) la mise en place d’un FEF par Région Maritime, c’est-à-dire, en 1945, Brest, Lorient, Cherbourg, Rochefort, Toulon, Paris et presque aussitôt après Bizerte, Oran, Dakar. Le principe de cette répartition fut accepté et chaque FEF confié à l’un des officiers rayés des cadres comme indiqué ci-dessus. Pour apaiser l’angoisse de Monsieur GRANDPERRIN, il lui fut précisé que, dans les premiers temps, ces Officiers devenus Réservistes, seraient pris en charge par le biais d’une subvention de circonstance et que, de toute façon, ils représentaient pour lui une garantie puisque, pour l’essentiel, en cas d’effondrement des Foyers, ils seraient à l’abri du besoin puisque pensionnés des Armées.

L’ensemble des FEF fut alors placé sous la haute autorité du Chef du Service Central des Sports et Foyers dont la création fut décidée à ce moment-là par l’Etat-Major de la Marine ; ce Service étant lui-même « satellite » de la très importante « Direction Générale du Personnel Militaire de la Marine ».

 

LE SERVICE CENTRAL DES SPORTS ET FOYERS (SCF)

 

Le Chef du Service Central des Sports et Foyers était un Capitaine de Vaisseau « ancien ». Les Directeurs de Foyers/Annexes que nous étions, avaient peu ou pas de contacts directs à ce niveau ; mais du respect comme il se doit ! Nul d’entre-nous, d’ailleurs (du moins à ma connaissance) n’a jamais douté de l’intérêt de cette « hiérarchie lointaine » très peu au fait de notre quotidien, mais qui avait pour mission de nous « chapoter ». Justifiant aux yeux de tous notre appartenance à la Marine Nationale… alors que celle–ci n’était pas et n’a jamais été l’employeur du PCDF.

Le Capitaine de Vaisseau, Chef du Service Central des Sports et Foyers, commandait donc deux services : les Sports et les Foyers. J’ose ici une remarque en ma qualité de PCDF : Un chef militaire commande des militaires – or nous étions civils ! La responsabilité juridique de la Marine étant engagée par le statut singulier du PCDF, ce fut un Administrateur à statut de Fonctionnaire (en l’occurrence Administrateur des Affaires Coloniales) qui fut désigné par la Marine pour assurer la gestion effective du PCDF. Il s’appelait Michel FABRIKANT. On doit, je pense, à Mr FABRIKANT une gestion du PCDF d’autant plus équitable qu’elle fut toujours très compliquée. Mr FABRIKANT fut nommé - de mon point de vue -  en « alter ego » avec Monsieur GRANDPERRIN, lequel pris ses fonctions assimilé Capitaine de Corvette ; se réservant  la mise en place et l’organisation des FEF,  d’une part, la formation des futurs Assistants et Directeurs de Foyers, d’autre part. Mais la gestion du personnel confiée à Mr FABRIKANT n’était pas seulement administrative. Elle était aussi pécuniaire ! Car la Marine, en dehors de subventions de circonstances, ne prenait pas en charge les salaires du PCDF. D’où la création, fort astucieuse du « Fonds Commun ». Cet organisme, sorti de l’imagination constructive de Monsieur GRANDPERRIN consistait, par le biais des FEF, et selon une comptabilité stricte à récolter les bénéfices réalisés par chacun des Foyers/Annexes existants. L’importance de ce « Fonds Commun » fut telle qu’il devint un Service à lui seul.  Il fut confié à la direction du Capitaine de Frégate MILLOT, l’un de ces officiers dit « rayés des cadres » évoqués plus haut. Le Commandant MILLOT (toujours très bienveillant) devait rester à ce poste jusqu’à sa retraite. Mr GRANDPERRIN et Mr FABRIKANT aussi. Tous trois ont constitué la cheville ouvrière de l’étonnante fondation des Foyers de la Marine Nationale… Fondation dont je n’hésite pas à écrire qu’elle fut la meilleure idée de la Marine d’après-guerre.

 

NOTA : Ici, qu’on me permette une parenthèse. Bien que je raconte une histoire vraie. Je ne suis pas « historien ». Je m’efforce d’écrire l’essentiel d’une situation telle que je l’ai connue et vécue d’une part, telle que je cherche à la comprendre et la décrire dans le cadre de mes « Mémoires », d’autre part ! Sans autre ambition… quoique je reste persuadé qu’une aussi bonne idée ne puisse mourir… C’est pourquoi j’écris, afin de laisser des traces suffisantes pour que l’idée soit éventuellement reprise un jour, quitte à l’améliorer. La Fonction de « Directeur de Foyers » sera toujours nécessaire dans les Armées (pas seulement la Marine) en raison même de l’importance psychologique de tout ce qui se rattache à cette Fonction.

 

MISE EN PLACE DES FOYERS DES EQUIPAGES DE LA FLOTTE (FEF)

 

L’ossature de cette « Direction Générale » étant acquise, il restait à Monsieur GRANDPERRIN la très lourde responsabilité de faire la preuve du « bien-fondé » de son projet.

Ce fut d’abord la mise en place des FEF leurs installations matérielles, les moyens en personnel immédiatement nécessaires, l’ouverture de Foyers/Annexes. Et d’emblée, la nécessité de compléter les Foyers/Annexes par des services : Récréatifs, Educatifs, Sportifs, ayant charge d’organiser spectacles, activités ludiques, cours de langues, activités culturelles, épreuves sportives, etc… Un Directeur en charge de l’administration pour ce tout… Vaste programme !

Le Problème fondamental, parce que vital pour tout FEF, ses Annexes et ses Services, reposait sur un budget et donc un chiffre d’affaires qui engendre des « excédents » (bénéfices) suffisants au niveau de chaque comptoir de ventes… condition « sine qua non » pour assurer la survie de l’organisme. Ce problème fut à ce point épineux qu’il devint :

1) Une obsession pour les Directeur de FEF ;

2) Un poids exorbitant pour les Directeurs de Foyers/Annexes, allant jusqu’à mettre en cause l’intérêt de leur existence, notamment en qualité d’Animateur en charge du « bon moral des Equipages » car, sous le terme d’Animateur, il ne s’agissait pas de laisser croire… comme on ne manquait pas de le faire « bêtement » et parfois « méchamment » remarquer certains « esprits forts » qu’il s’agissait « d’amusettes » dont la Marine n’avait que faire ! Mais d’une fonction essentielle ayant un caractère social indiscutable, psychologique évident, culturel de bon alois, c’est sûr ! Source d’équilibre généralisé que personne d’autre (même les Aumôniers et autres Assistantes Sociales) ne pouvaient assumer. De tout cela, les Directeurs et Assistant de Foyers, issus de l’imagination de Monsieur GRANDPERRIN, n’ont cessé d’en donner la preuve ! Mais, il parait convenable d’écrire que cette « évidence » ne fut jamais facile à faire admettre à 100/100, sauf au niveau du haut commandement, lequel, à ma connaissance, n’a jamais cessé de nous encourager.

Les problèmes de survie du PCDF reposaient donc sur le commerce. L’essentiel de ce commerce était constitué par la vente de boissons, en l’occurrence essentiellement des « bières ». Bien que les prix fussent bas, le montant des bénéfices réalisés devint suffisant pour faire face (malgré l’augmentation du nombre de Foyers) au nombre d’Assistants et Directeurs recrutés. Ce système de fonctionnement, inventé par Mr GRANDPERRIN, me permet aujourd’hui (soixante-dix ans après la création des premiers FEF) de bien différencier, non seulement les Directeurs, mais les Foyers que les uns et les autres ont dirigé en fonction de leurs propres talents !

 

LA FONCTION DE DIRECTEUR DE FOYERS

 

Tous et chacun, nous étions obligés de consacrer une très importante partie de notre « temps de travail » aux approvisionnements, inventaires quotidiens et mensuels, à la comptabilité, à la surveillance permanente des ventes… Aux caisses (car tous les « échanges » se payaient en espèces et le Directeur devait être en mesure de rendre des comptes quotidiens… au centime près ! S’ajoutait à cela, bien évidemment, la surveillance et l’entretien des locaux (quelques fois énormes) jardins, espaces verts, stades et autres moyens réservés aux sports, mis à notre disposition pour répondre aux besoins des usagers. Ainsi, par exemple :  Le  Foyer de La Pêcherie qui fut de loin le plus beau, le mieux ordonnancé, le plus complet que j’ai eu la chance de diriger, correspondait très exactement à ce que Monsieur GRANDPERRIN a réalisé dès 1926 à Toulon, pour l’ensemble des Equipages de la Base navale. Je détaillerai tout cela au chapitre de ce que furent mes différentes « affectations ».

Mais revenons à la variété de nos fonctions en qualité de « Directeur de Foyers ». Si je me réfère à ma seule expérience, j’ose écrire sans vergogne, que je n’ai jamais travaillé moins de 10 à 12h par jour dans les Foyers et bien souvent, je crois devoir le souligner, sept jours sur sept... Le tout pour un salaire de misère et une sorte d’escroquerie institutionnelle absolument ahurissante au vue des lois sociales d’aujourd’hui (J’aborderai cet aspect de la question dans un autre chapitre, car, enfin, c’est à cause de ce statut « bâtard » que j’ai, la mort dans l’âme, décidé de démissionner…).

Le recrutement du PCDF fut, aussi sérieusement que possible sélectionné, mais très hétéroclite ! Il fut ouvert d’emblée à de jeunes hommes et femmes exprimant le souhait ou prétendant être déjà animateur d’activités dirigées. Comme déjà signalé, ces activités se voulaient récréatives, éducatives, culturelles, sportives, sociales et psychologiques ; y furent ajoutées celles qui devaient empoisonner notre profession et finalement entraîner sa disparition (en 2015), je veux parler des activités commerciales… nous en reparlerons. Ce sur quoi je crois devoir insister à ce niveau de mon propos concerne la différence qui existait, vraiment (d’un Foyer à l’autre), et sur le fait que cette différence correspondait toujours au caractère et à la formation reçue de son Directeur.

 

Variété des directeurs

 

Les Foyers d’Unité (à ne pas confondre avec les Foyers-Ville ou de groupements tels les arsenaux et autres bases sous-marines) étaient placés, bien évidemment, sous le regard permanent du Commandant de cette Unité. Mais le fonctionnement du Foyer reposait entièrement (et cela valait pour tous les Foyers) sur le Directeur. Si donc celui-ci se sentait une vocation « commerciale » une seule chose comptait : « le chiffre d’affaires » ! Et donc, toutes prouesses possibles pour faire marcher le commerce ! Le reste ne comptait guère ou pas du tout, sans que cela puisse être reproché à l’intéressé. J’ai ainsi connu des Directeurs de Foyers, qui sont devenus de grands hommes d’affaires, voire innovateurs en matières commerciales au point de servir de références et, de ce fait servir de modèle ! Si le Directeur savait jouer d’un instrument, telle la guitare (très à la mode après la guerre), et par ce biais séduire un auditoire, l’essentiel de son activité tournait autour de cette particularité, au point (c’est aussi surprenant que réel) qu’il pouvait séduire n’importe quel Equipage  (tous grades confondus – ce qui  n’est pas banal en milieu militaire) et bénéficier ainsi d’une ‘’aura’’ enviée par tous ceux qui ne s’estimaient pas capable d’en  faire autant (et j’en étais !). Entre parenthèse, cet exemple prouve à quel point l’action psychologique d’un Directeur de Foyers pouvait avoir d’influence. Nous aurons d’ailleurs à traiter de cette « action psychologique » propre à la fonction de Directeur de Foyer, notamment en « périodes de tensions » (j’en ai vécu plusieurs), voire en « opérations de guerre » comme ce fut le cas (par exemple) à Bizerte en 1957/1958, puis en 1961 ! Dans les deux cas (j’y reviendrai), l’action des Foyers fut non seulement exemplaire mais déterminante, preuve de son indispensable nécessité ! Les quatre Préfets Maritimes qui se sont succédés à Bizerte de 1957 à 1962 l’ont écrit : Amiraux LAURIN, ANTOINE, AMMAN, MEYNIER. D’autres Directeurs avaient le feu sacré de l’animation. C’était le cas de Daniel LARCHER dont j’ai eu la chance d’être l’Adjoint pendant 18 mois au Foyer de la Base Aéronautique Navale de Karouba.  C’est à lui que je dois ce qu’il faut bien appeler « ma formation » en qualité d’Elève Assistant de Foyers d’octobre 1957 à octobre 1958 où je fus promu « Assistant du 1° Echelon » après examen dument réussi. Cela ne devait pas augmenter beaucoup mon salaire… mais, dans l’ordre de préséance me faire passer au grade supérieur d’EV2 à EV1 ! Belle promotion pour un ancien Apprenti Mécanicien de la Flotte…

Daniel LARCHER fut un ami, un vrai, car il a eu la patience de me supporter à un moment où je ne pardonnais pas à l’organisation des Foyers de m’avoir trompé comme je le fus. Je raconte cela en détail, au chapitre suivant « Comment je suis devenu Directeur de Foyers ». En dehors de Daniel LARCHER (mis à part Guy SENEGAS et Ludovic LEPAGE) je n’ai fréquenté aucun autre Directeur de Foyers qui corresponde vraiment au critère de ce que Monsieur GRANDPERRIN espérait pour ses Directeurs de Foyers ; bien que j’eusse une profonde et durable amitié pour Robert PIZAY, Jean OSTREICHER, Elizabeth BOISSAT et d’autres. Je n’ai pas connu Madame VERNE dont je n’ai entendu dire que du bien, y compris dans ce qu’en a écrit Mr GRANDPERRIN en personne. Mais il faut reconnaitre que notre profession avait quelque chose de « vocationnel ». Or, il est bien clair que tous ceux qui ont porté l’uniforme ou seulement l’insigne des Foyers ne l’avaient pas. Cependant, j’ose écrire que tous et chacun de ceux qui ont exercé cette profession se sont dévoués sans compter, chacun à sa manière, au service des Equipages de la Flotte.

Ce long préambule me permet d’aborder, enfin, ce qu’il me semble nécessaire de définir, je veux parler de :

 

LA PHILOSOPHIE DES FOYERS

 

A - Sauf erreur de ma part, le principe fondamental de la fonction de « Directeur de Foyers » tel que l’imaginait son fondateur, Georges Elysée GRANDPERRIN, quel que soit le genre de Foyers : Foyers-Ville, Foyers d’Unité, Foyers de groupes (Arsenaux), Foyers d’Ecoles Militaires, a toujours été d’assurer, en permanence, le rôle d’une « Maîtresse de maison »…  C’est aussi simple que cela !    

Simple ?  Est-il exemple de « dévouement perpétuel » plus évident que celui d’une « Maîtresse de maison » ? Mais, peut-on parler de « dévouement » dans cadre d’une profession ?  Réponse = Oui !  Oui, bien sûr !  Puisque le propre de certaine « profession » consiste précisément à se donner et que le dévouement n’est qu’une disposition, voire une action à produire de la bonté ! Le dévouement de Monsieur GRANDPERRIN, à la cause des Foyers dont il a écrit le statut du personnel est, en l’occurrence, l’exemple le plus facile à proposer pour illustrer le principe.  

Monsieur GRANDPERRIN n’a jamais cessé de se dévouer à la cause que, de mon point de vue, il a toujours considéré comme une vocation. D’autant qu’en sa qualité de Protestant, s’il est vrai qu’il s’est bien gardé de confondre les genres, il n’a cessé d’agir aux dimensions d’une vie toute donnée.

Qu’est qu’une « Maitresse de maison » ?  Quel est son rôle ? C’est une personne qui organise, du fait qu’elle a une maison à sa charge ; Une maison ouverte, appelée à recevoir au quotidien des invités…  Ces différentes fonctions supposent un « savoir-faire » qui procède d’un certain nombre de qualités dont la délicatesse n’est jamais absente. Toute « Maitresse de maison » est d’abord chargée d’accueillir, ce qui laisse entendre qu’elle est en capacité de répondre à toutes les exigences liées à cet « accueil » tels :  l’hébergement de sa famille, bien entendu ; mais aussi de tout visiteur attendu ou inattendu. Cet hébergement suppose de l’entretien, de la surveillance, de la gestion au quotidien, de la domesticité, de la maintenance des espaces et même, parfois, de la « veille de nuit ».

Qui dira que cette énumération ne correspond pas à la fonction première de tout Directeur de Foyers ?  Bien entendu, il faudra adapter le principe à la population concernée et compléter l’accueil ainsi défini dans ses grandes lignes, par des services à rendre en fonction des besoins constatés. Accueillir des marins fatigués par le « service à la mer » : les veilles, les embruns, les tempêtes, l’entretien du bâtiment secoué par le roulis et le tangage. Des marins fatigués du service et de la discipline, souvent très seuls lorsqu’ils « touchent terre » et décident d’aller se distraire un moment.

Oui, l’accueil est de grande importance, singulièrement dans les Foyers où, de mon point de vue, il est primordial ! Accueil, délicat, souriant, bienveillant, à bras ouverts, sans recherche autre que celle de « faire plaisir ». Cet accueil sous-entend, bien évidemment, un confort de bon aloi, un environnement qui favorise le calme, des repas servis et de qualité, une ambiance détendue autant que possible, familiale, valorisée par quelques « attentions » de « mère de famille »… Voila bien ce que Mr GRANDPERRIN a pratiqué dans son premier Foyer de Toulon et qu’il avait pour ambition d’exiger (oui d’exiger) du PCDF qu’il souhaitait former avant de le mettre en  place. Et ça n’était pas tout, car le Marin qui « descend à terre » a des besoins. Le Foyer doit être en mesure d’y répondre quel que soit les besoins exprimés. D’où les nombreuses activités proposées que le PCDF avait pour mission de connaître avant de les pratiquer. Y compris dans la nécessaire dimension commerciale… bien évidemment !

 

B - Monsieur GRANDPERRIN, fort de son expérience, se mit au travail pour assurer la formation de ses Directeur de Foyers : vous êtes appelés, disait-il non seulement à ses jeunes recrues (Elèves Assistants de Foyers), mais à tous les Directeurs de FEF (que les circonstances lui avaient imposé), à devenir des maîtres/maîtresses de maison… Qu’est-ce à dire ?

 

1) Vous serez d’emblée, responsables de bâtiments destinés à l’accueil des Marins qui ont besoins de se ressourcer (à tous niveaux) dès qu’ils débarquent de leurs bâtiments respectifs.

2) De ce fait, vous devrez acquérir des compétences suffisantes pour répondre à la demande. Or mon expérience de 26 années de direction du Foyer de Toulon, m’a appris que ces besoins sont aussi variés que nombreux et doivent comprendre des activités récréatives, éducatives, sportives, sociales, psychologiques et bien évidement (c’est pour nous tous, une question de vie ou de mort) commerciales ! 

3) Commerciales suppose de votre part d’être polyvalent, c’est-à-dire que vous devrez apprendre la comptabilité et vous en tenir aux strictes obligations des documents administratifs et comptables que nous imposent l’administration et les services du contrôle de la Marine. Vous aurez aussi à gérer des fonds « en espèces » au centime près. Ces sommes s’accumulent vite.  Elles sont à vérifier au quotidien et doivent être sécurisées.

4) De ce fait (et vous l’avez compris) vous devrez assumer des fonctions de gérant car si la Marine met à votre disposition des locaux et divers moyens de fonctionnement, elle refuse de prendre en charge les salaires et charges du PCDF. Vous serez donc payés sur les bénéfices réalisés par les comptoirs de ventes de l’ensemble de nos Foyers, c’est-à-dire, essentiellement : bar et bimbeloterie pour les Foyers d’Unité ; auxquels s’ajouteront : hôtels et restaurants au niveau des Foyers Ville. Les Foyers des Ecoles militaires seront organisés sur le même modèle que les autres Foyers d’Unité mais devront proposer un éventail plus étendu d’activités dirigées.

5) Sauf pour les Foyers Ville, vous devez exercer vos fonctions à l’intérieur même des Unités militaires, en uniforme ! Cet uniforme vous sera fourni. Son port est obligatoire.

6) Vos horaires dans le Foyers d’Unité seront, de préférence, conformes aux heures non ouvrables. C’est-à-dire que vous serez appelés à travailler aux heures ou les autres se reposent.

7) Il n’est pas prévu, pour le moment du moins, que vous soyez épaulés par des adjoints, mais cela devrait aller de soi avec le temps, dès que l’Ecole des Assistants de Foyers sera agrée par la Marine et que le montant des bénéfices disponibles récoltés par le Fonds Commun sera suffisant pour assurer les salaires et charges de l’ensemble du PCDF.

8) Les Foyers-Ville fonctionneront sous une triple co-responsabilité :

A) Celle du Directeur du FEF au niveau administratif. B) Celle du Commandant d’Armes pour tout ce qui concerne la discipline militaire. C) Vous-mêmes au niveau du fonctionnement.

9) Les Foyers d’Unité fonctionneront sous la double responsabilité du Commandant d’Unité (seul Maître à bord) et de vous-mêmes conformément à la réglementation des Foyers; Sachant que, en qualité de Directeur de Foyer Annexe, vous êtes employés du FEF mis à la disposition du Commandant de l’Unité concernée. Exerçant vos fonctions à l’intérieur d’une Unité militaire vous serez, en toutes circonstances, tenus à l’obligation de réserve. 

10) En toutes circonstances, c’est l’autorité militaire qui prévaut. Le Directeur du FEF étant lui-même placé sous la tutelle directe du Préfet Maritime. La surveillance administrative et comptable étant assurée par les services du Contrôleur Général de la Région Maritime de référence. Dit autrement « vous n’êtes pas militaires mais vous devez vous plier à la discipline militaire dans tous les actes de vôtre fonction ».

 

Etat d'esprit du PCDF

 

Il serait trop long de tout écrire et probablement fastidieux. Toutefois il parait juste de souligner, ici, l’esprit d’abnégation qui était demandé à tout candidat à la fonction de Directeur de Foyers. On peut penser que s’il en fut ainsi, c’est que le fondateur du PCDF avait lui-même pratiqué ce genre de dévouement désintéressé et qu’il lui paraissait impossible, son expérience étant ce qu’elle était, de ne pas essayer de l’inculquer à ses élèves. D’autant qu’il devait exiger d’autres qualités, précisément parce qu’il ne s’agissait pas seulement de gérer des comptoirs de ventes (même s’il était bien clair que la gestion de ceux-ci était vitale pour les Foyers), mais d’assurer avec compétence et persévérance toutes les fonctions énumérées ci-dessus. Vaste programme que tous les Directeurs ont essayé d’accomplir au mieux de leurs qualités respectives.

 

LA SPECIALITE « FOYERS »

 

Monsieur GRANDPERRIN s’est efforcé toute sa vie de proposer de tels services ; d’abord de 1926 à 1942, dans le cadre du seul Foyer existant dont il fut non seulement l’architecte mais le Directeur très rapidement copié et envié par nombre d’organismes, stupéfait à l’époque, de la qualité, de la variété, et du nombre de services rendus. Puis de 1945 à 1955 (date de sa mise à la retraite) au service de tous ceux qui, dans la Marine nationale ayant été ses élèves, furent appelés à poursuivre son œuvre et la développer… au point qu’il est bon de se souvenir de l’existence de plus de 100 Foyers et plus de 1 000 Assistants et Directeurs de Foyers civils et militaires en 70 ans d’existence.

Mais j’anticipe !

Dès sa prise de fonction à Paris, Mr GRANDPERRIN n’a eu de cesse d’obtenir les autorisations nécessaires au développement de son œuvre ; puis, les ayant obtenues, de créer une « Ecole d’Assistants de Foyers » dont il espérait qu’elle donne naissance à une authentique spécialité dont, supposait-il, la Marine ne pourrait plus se passer. La tâche s’avérait compliquée. Elle le fut ! D’autant plus qu’un « lourd programme de formation » s’imposait, alors que le Ministre, pressé, exigeait une mise en place rapide, voire « immédiate » et sans discussion…   La Guerre d’Indochine commençait… L’importance des moyens militaires engagés, la variété des troupes envoyées sur place, les unités de la Marine nationale et de l’Aéronautique navale engagées dans cette opération d’envergure, exigeaient la création de nombreux Foyers et du personnel pour en assurer le fonctionnement. Sans attendre, le Ministre décida, du fait de la complexité du statut du PCDF, d’utiliser du Personnel Militaire Féminin volontaire. Ce qui fut fait comme le précise l’ouvrage de Juliette GAUBRY qui relate cette aventure (je  cite) :  « dès le mois de mai 1947 s’embarquaient à Toulon quatorze filles à destination de l’Indochine pour y organiser et développer les Foyers de la Marine ». Mais ce Personnel Féminin de la Marine ne dura pas et fut remplacé, dès 1949 par des PFAT (Personnel Féminin de l’Armée de Terre) et ce pour de multiples raisons… De ce fait, sauf Madame GAUBRY, membre du PCDF pendant 2 ans à Toulon, aucun élément du PCDF fondé par Mr GRANDPERRIN ne fut envoyé en Indochine. Pendant ce temps, la mise en place des FEF et autres Foyers/Annexes continuait en Métropole, Afrique du Nord et Afrique Noire.

Ce qui préoccupait notre fondateur, concernait essentiellement :

1) L’état d’esprit dans lequel il lui paraissait indispensable d’imprégner le PCDF en formation du fait d’un climat interne qui s’avérait plus hostile que bienveillant.

2) Faire en sorte que le « savoir-faire » de ses Elèves soit tel qu’il leur permette de se faire admettre sans heurt aux militaires en service qu’ils avaient pour mission d’apaiser en toutes circonstances par le moyen d’activités inhabituelles à ces hommes tout naturellement figés dans des réglementations qui, s’agissant de la conduite d’un navire, ne souffrent aucune dérogation.

3) Faire accepter leur présence… et… avec le temps… leur influence, d’abord au sein même des Equipages qui n’avaient pas pour habitude d’être « chapeautés » en dehors des heures de service, mais surtout (c’est du moins ce que je conserve dans mes souvenirs), convaincre les « Officiers des Equipages » du bien-fondé de leur fonction. Car ayant rang d’officiers, les Directeurs de Foyers furent assez mal perçus par ces officiers « montés par les grades » qui supportaient peu et même pas du tout la « promotion spontanée » des nouveaux venus que nous étions. Voire refusaient de prendre en considération l’ordre de préséance pourtant imposé par la Circulaire ministérielle de référence (Voir à ce sujet la manière dont j’ai été reçu à Lann-Bihoué lorsque j’ai été désigné pour assurer l’intérim de la Direction du Foyer de cette magnifique Base Aéronautique Navale, du 20 juin au 30 septembre1957…).

4) Se posait aussi la question de l’uniforme et de la nécessité d’une hiérarchie interne ! D’autant qu’à ce niveau également les critiques pleuvaient : « Pas de Péquin dans mon Canot », « Pas de civil à bord », à fortiori ayant rang d’officier !  (Je ne crois pas inutile, pour tenter d’expliquer ce fourmillement de « phénomènes de rejets » que, dans les Ecoles Préparatoires de la Marine – dont je suis issu – les pires insultes (ou reproches de nos instructeurs) étaient essentiellement d’être traité soit de « Péquin » (civil), soit de « Képi » (Armée de Terre). Ceci explique probablement cela…

Bousculer les réticences de ces militaires de carrière qui ne voulaient pas de nous, devint une nécessité. Le Ministre JACQUINOT n’hésita pas et fit paraitre toute une série de circulaires ministérielles (avec parution au Journal officiel) pour imposer successivement l’uniforme, les insignes, la casquette, l’organisation et les devoirs du PCDF exerçant à l’intérieur des unités militaires. Tout le monde s’inclina, ce qui ne veut pas dire que le PCDF fut accueilli à bras ouverts et encore moins authentiquement « assimilé » !

C’est qu’il y avait des « précédents »…

Je veux parler des « Gérants de Foyers »… !

Telle était, en effet, l’appellation des responsables des « Foyers du Soldat » (ancêtres de nos Foyers de Marin), mais encore de tous ceux qui, dans les unités de la Marine (en particulier au niveau des « officiers mariniers ») géraient, de fait, les Bars et Tables de ces gradés, lesquels bénéficiaient, tous et chacun, de ce que l’on dénommait des Cercles.

Or nos Foyers eux se prévalaient du bon droit de recevoir les équipages. De là est née une confusion qui nous fut très réellement et durablement préjudiciable.

Il était de « bon ton » notamment pour certains Officiers Mariniers et autres Officiers des Equipages de nous affubler de sobriquets divers du type « patron de bistro », voire « marchand de soupe », quand ça n’était pas « amuseur public » et même « homme de joie ». Toutes ces appellations, bien entretenues par certains, avaient pour objet non seulement de nous déstabiliser et humilier, mais disaient-ils « de nous mettre au pas ». Cette période ne fut pas facile… !

D’autant qu’il me faut bien l’écrire, un « Directeur de Foyers » est, bel et bien, un cadre de direction qui, en sa qualité d’animateur/polyvalent se doit de maîtriser toutes et chacune des activités récréatives, sportives et nautiques, sociales et psychologiques mais aussi commerciales que lui impose sa fonction. Or il est bien clair que l’on ne saurait devenir compétent en toutes ces disciplines en simplement « tenir la caisse d’un bar » ou celle d’un « magasin » de bimbeloterie… qui sont, l’une et l’autre le propre d’une « gérance ». Monsieur GRANDPERRIN n’a eu aucun mal à faire comprendre cette différence « fondamentale » au Ministre de la Marine, Monsieur Louis JACQUINOT. J’en veux pour preuve de fait que le « Service Foyers » à son origine, dépendait directement du Ministre. Ce n’est qu’après qu’il fut rattaché, puis englobé par le Service des Sports ; puis subordonné au Directeur du Personnel Militaire de la Marine dans le cadre du « Service Central des Sports et Foyers ».

 

FOYERS EN INDOCHINE

 

C’est tout de même au nom et en fonction du règlement établi par Monsieur GRANDPERRIN que les 14 premières « Directrices de Foyers », Membres du Personnel Militaire Féminin de la Marine, quittèrent la France pour l’Indochine en 1947… Sans avoir reçu (sauf Madame GAUBRY, ancienne PCDF) la moindre formation spécifique. Leur expérience d’ailleurs devait s’arrêter deux ans plus tard. Je ne me risquerai pas à mettre en doute ni leur compétence ni leur dévouement et encore moins leur « savoir-faire » ; mais si j’en juge d’après ce que j’ai constaté moi-même au cours des deux années que j’ai vécu en Indochine (de décembre 1952 à décembre 1954), ces Dames n’allaient pas au-delà d’une gérance très ordinaire et j’ose écrire, fort limitée ! Que ce soit à la Base Aéronautique Navale de Tan-Son-Nhut, aussi bien que celles de l’Armée de l’Air où nous avions des antennes importantes (Tourane – aujourd’hui Danang) et Catbi proche d’Haiphong, les Foyers gérés par les PFAT (Personnel Féminin de l’Armée de Terre) n’organisaient aucune activité récréative, éducative, culturelle, sportive, sociale et psychologique. Cependant les Foyers existaient bel et bien et rendaient ce service minimum qui consistait à offrir aux marins un lieu de rencontre sympathique, où ils pouvaient, s’ils le désiraient, consommer des boissons généralement non alcoolisées en dehors de la bière, laquelle constituait (et de loin…) 80 à 90% des boissons consommées en ces lieux. Si je crois devoir insister sur cet épisode de la vie des Foyers, ça n’est surtout pas pour critiquer, mais tenter une mise au point nécessaire afin d’éviter, si possible, toute confusion quand au rôle de Gérant qui est un emploi dont je ne sous-estime pas l’importance et celui de Directeur de Foyers qui est une profession, laquelle suppose des connaissances aussi complètes que variées, des qualités de direction, bien entendu, mais aussi d’animateur polyvalent et un « savoir-faire » suffisant pour ne pas se laisser déborder à tous niveaux de la hiérarchie et de l’état militaire.     

 

EXPERIENCE A BORD DU PORTE-AVIONS « FOCH »

 

Il ne fut pas donné à Monsieur GRANDPERRIN de connaître des Foyers d’Unité « embarquée » ! Il se trouve que je fus le premier, en qualité de « Réserviste » (Directeur de Foyers de 3éme classe, assimilé « Lieutenant de Vaisseau ») à être désigné par le CIRAM Toulon (Centre d’Instruction des Réserves de l’Armée de Mer de Toulon) pour effectuer une première expérience à bord du Porte-Avions « FOCH » en mai/juin 1980 (…16 ans après avoir cessé le service actif… !) pour une période de 22 jours en mer dans le cadre des « Exercices Inter Alliés Dan Patrol » en Méditerranée.

J’ai accompli cette période, accueilli à bord par le Lieutenant de Vaisseau François CAPELIER (un ancien de la Promo de Maistrance/Pont 1963/1964 qui m’a fait « Quartier-Maitre de maistrance d’honneur), et logé dans la même cabine (confortable) que celle de l’officier Fusilier du bord (Lieutenant de Vaisseau HALLEMANN). Placé sous les ordres du Commandant en second (Capitaine de Frégate REGNAULT) j’ai pu exercer mes fonctions en toute liberté sans autre contrainte que celle du quotidien très rythmé de la vie à bord.

Mais je ne puis résister au plaisir de préciser ici que je fus invité à bord et successivement « es qualité » d’abord à la table de l’Amiral TARDY, Inspecteur Général de la Marine venu en hélicoptère dans l’exercice de ses fonctions, puis (à la même table) par le Vice-Amiral d’Escadre de CASTELBATAC, Commandant l’Escadre en Méditerranée, et enfin par le Contre-Amiral DEGERMANN, Commandant l’Aviation embarquée.

Il me plait d’ajouter, pour le souligner, que j’ai reçu à bord un accueil tout fait exceptionnel du Capitaine de Vaisseau Alain COATANEA, Commandant du PA FOCH, et que celui-ci a bien voulu m’honorer de sa confiance jusque, et y compris, lorsqu’il est devenu Amiral Chef d’Etat-Major de la Marine nationale.

S’il m’apparait convenable de faire état, ici, de ces invitations reçues à bord du FOCH, c’est essentiellement pour souligner l’intérêt indiscutable que la Marine accordait à l’expérience que j’avais pour mission de mener à bien, à savoir : Démontrer que la présence et donc l’utilité d’un Directeur de Foyers à bord d’un bâtiment à la mer de cette envergure était non seulement nécessaire mais souhaitable. Le rapport que j’ai fait m’a valu des compliments appuyés mais je n’ai jamais su directement quel fut son impact. Par contre, il existe aujourd’hui plusieurs postes embarqués d’Assistants de Foyers militaires à bord des gros bâtiments, le Porte-Avions Charles de GAULLE, en particulier. On me pardonnera d’être particulièrement fier d’avoir été chargé de cette mission qui m’a valu la « faveur » d’être qualifié de Directeur de 2ème classe par le Commandant du CIRAM Toulon, étonné qu’il fut de ce que ma présence à bord n’intéressait pas d’avantage les autorités des Foyers du moment ! J’en fus moi-même non pas étonné mais meurtri. Ainsi, du début à la fin, j’aurai été l’objet de « phénomènes de rejet » sous l’uniforme de Directeur de Foyers, que dire de plus ?

 

ROLE D’UN DIRECTEUR DE FOYERS EN PERIODE DE TENSION OU EN THEATRE D’OPERATION

 

Monsieur GRANDPERRIN n’a pas connu, non plus, le temps ou quelques-uns de ses directeurs (du PCDF dont j’étais) se sont trouvés engagés dans des Unités en période de tension, voire d’opérations de guerre. Ce fut notre cas à Bizerte en 1957 à 1958, pendant 7 mois consécutifs de « consigne », après les événements dit de « Sakiet Sidi Youssef » pour LARCHER, LAGNEAU, MARCONI, ARZEL, puis en 1961 (de juillet à décembre ) pour LAGNEAU, CAMY, FERNANDEZ.

Je détaillerai tout dans la deuxième partie de mes Mémoires aux chapitres : Karouba, Sidi-Abdallam, la Pêcherie à Bizerte, mais je tiens à préciser ici ce que fut notre rôle essentiel au cours de ces deux périodes à savoir qu’au moins deux d’entre nous ont assuré les fonctions d’officier d’action psychologique.  Confirmant ainsi l’un des rôles essentiels de ce qu’espérait nous voir assumer notre fondateur.

C’est assez dire à quel point, LARCHER et moi, en 57/58, avons été impliqués du fait de la « consigne » très stricte à laquelle, pour des raisons manifestement politiques, les troupes ont été consignées dans leurs bases, tandis que les familles, empêchées de passer par des barrages infranchissables mis en place par l’Armée tunisienne, étaient à la merci de l’adversaire dans la ville même de Bizerte.

De ce fait et cela mérité d’être souligné (car cela n’apparait dans aucun document) ce furent le Directeur de Foyers Daniel LARCHER et son Assistant François LAGNEAU, qui avec leurs épouses, Jeanine et Jeanne, ont assuré volontairement et sans aucune aide officielle, ni de la Marine, ni de la Direction du FEF (ce qui est un comble), les liaisons avec les familles, c’est à dire échanger les courriers, rassurer femmes et enfants, se porter garant  de toutes les commissions, se charger des bagages… j’en passe et des meilleures !

Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Certes, nous n’avons pas été des héros pour autant. Ce que je tiens à souligner ici c’est à quel point nous avons vécu en osmose avec tous ceux au service desquels notre profession nous obligeait. Mais à quel prix, et pour quelle reconnaissance effective ? En 1961, les trois Armes ont voulu m’honorer, je le raconterai ailleurs. La Marine a refusé arguant que le statut du PCDF ne le permettait pas ! Pourquoi ? 

De fait, juridiquement le PCDF n’avait rien de militaire. Mais dans les faits ? Durant tous ces évènements nous avons vécus en osmose, 24h sur 24h, 365 jours sur 365 jours avec des militaires, au sein même des unités militaires, participant à la vie militaire. Personnellement je me suis obligé à visiter bon nombre de postes de combat… avec le 4CV de l’aumônier (Pierre MESSSINA), alors en France, et qui m’avait laissé sa voiture car je n’avais pas de quoi me payer une voiture. C’est ainsi que je suis allé notamment dans les postes de combat tenus par les Fusiliers Marins du CC GOUVA (et l’OE Fusilier HELIAQUER ainsi que mon ami, Maitre Fourrier Robert JALBERT). Je suis revenu un soir avec deux impacts dans la voiture. Je n’ai rien senti, rien entendu, mais les faits sont là ! Qu’allais-je donc faire en ces lieux ? Sinon mon métier de Directeur de Foyers ! Et il en fut ainsi avec tous ceux que je suis allé visiter, notamment les parachutistes du 3éme RPIMA… et tant d’autres !

 

L’UNIFORME DU PCDF

 

Il avait été prévu par Monsieur GRANDPERRIN. Il fut imposé par circulaire ministérielle. Mais l’uniforme d’origine ne fut porté vraiment que par la deuxième génération du PCDF. Dès la troisième (et dernière), c’est-a-dire la mienne, nous avons tous et chacun adopté l’uniforme des officiers de Marine. Ce qui fut prémonitoire, puisque dès 1959, des jeunes gens, étudiants des Grandes écoles, diplômés des Ecoles normales, devaient accomplir leur service militaire assimilés au grade d’Aspirant, en qualité d’Assistants de Foyers Marine, équipés tout naturellement de l’uniforme Marine, sans galon, comme le voulait la règlementation des Foyers. De ce fait, nous étions des civils donnant des ordres à des militaires !

Mais il est clair que cette question de l’uniforme, puis celle de notre hiérarchie interne qui a voulu avec insistance se manifester par des brisques (galon en V inversés) avait déjà une consonnance militaire.

En ce qui me concerne d’ailleurs la question fut immédiatement tranchée. De fait, de tous les membres dit du PCDF, je fus le seul à être nommé pour assurer des fonctions de Directeur (par intérim à Lann-Bihoué) du 20 juin au 30 septembre 1957 en qualité de militaire. Je rentrais de Dakar après deux ans d’Afrique Noire et venais tout juste d’être nommé Second Maître lorsque j’ai réussi au concours de recrutement d’Elève Assistant de Foyers. J’ai donc gardé mes uniformes en l’état, sans galon bien entendu, mais avec mes décorations glanées en Indochine, ainsi que la Fourragère dont je suis titulaire à titre personnel. De ce fait, et j’y tiens, je n’ai jamais vraiment quitté l’uniforme.

L’uniforme était une chose. La hiérarchie interne une autre ! Les Directeurs de la première génération (toujours en civil) tous « officiers dégagés des cadres » se sont accrochés à leur poste jusqu’à plus soif ! Tous ceux de la deuxième génération souhaitaient tout naturellement une amélioration de leur situation. Cela n’était pas possible sans une hiérarchie des salaires et c’est de constat qu’est née la hiérarchie interne des Foyers. Avantage/Inconvénient… ? Ca changeait manifestement la donne et rendait ce groupe de civils de plus en plus militaire ! Car les grades de 3ème, 2ème et 1ère classe, étaient accompagnés d’un « ordre de préséance » calqué sur les grades de la Marine. Tout cela n’aurait rien eu d’extraordinaire si, « comme de bien entendu », certains des promus ne finissent par se prendre très au sérieux. Les brisques (galons en forme de V inversé) furent obligatoires, cousues sur la manche ou sur les épaulettes. Très belles épaulettes d’ailleurs qui restent d’actualité en tenue blanche pour ceux qui (comme moi) continent de porter leur uniforme à l’occasion de cérémonies patriotiques ou autres permettant ainsi que puisse être constaté, sans discutions, le niveau de préséance (ou assimilation) atteint par chacun des membres du PCDF.

Tout cela préparait la militarisation du corps ! En effet, très rapidement, ceux-là mêmes qui ne voulaient pas de « hiérarchie parallèle » ont été souvent les premiers à faire valoir l’autorité que leur conférait ces petits « galons inversés » qu’ils portaient sur la manche gauche de leur uniforme ou sur leurs épaulettes. De fait, d’ailleurs, le Service Central des Sports et Foyers, conscient de la nécessité de cette hiérarchie interne, décida de faire paraitre au JO les grades, insignes, casquette du PDCF.

 

UNE MILITARISATION RATEE

 

Encore une fois, je ne juge pas, je constate ! Et si je le fais par écrit avec une certaine amertume c’est qu’il est bien clair que j’ai eu raison, dès 1959, lorsque j’ai revendiqué ma propre militarisation. Six mois après mon admission en qualité d’Elève Assistant de Foyers dans le cadre du PCDF, puis dès 1960, lorsque j’ai tenté un « cavalier seul » pour le même motif ; mais cette fois, non plus pour ma propre militarisation, mais celle du Corps dans sa totalité. Ce fut un échec ! En particulier du fait de l’opposition farouche des membres du PCDF de la première génération et celle, inattendue dans sa forme, de ceux de la deuxième, en particulier Guy SENEGAS qui préconisait un syndicat, et Daniel LARCHER qui ne voulait pas être englobé dans le corps des Officiers d’Administration dont l’Amiral DEROC, Directeur du Personnel Militaire pensait nous assimiler. Tous deux exposèrent de bonnes raisons, mais aucun des deux ne m’a convaincu, en particulier SENEGAS et son syndicat, de même, il paraissait inadmissible à LARCHER d’être limité à des tâches administratives sous prétexte que nous avions des comptoirs de ventes, alors que notre vocation était d’abord et avant tout d’ordre psychologique ! Je tiens à ce terme. C’est ce terme en effet que j’ai défendu et tenté de « promouvoir » en tout ce que j’ai accompli dans les Foyers. Je n’ai pas été entendu, dont acte ! Mais je me suis toujours considéré comme ‘’Officier d’Action Psychologique’’.

Ce que je préconisais était simple et allait dans le bon sens :

1) Oui à la militarisation du PCDF dans le cadre qui était le sien et donc dans l’esprit voulu par le fondateur.

2) Uniforme : oui.

3) Que la qualification d’un directeur de Foyer soit celle d’un officier d’actions sociales et psychologique.

4) Selon la hiérarchie traditionnelle de la Marine : oui…

5) Mais sans galon, au moins dans le cadre de nos fonctions en Foyers d’Unités et des Ecoles.

6) Eventuellement nécessaires au niveau des Foyers-Ville ( ?)

7) J’ai été le premier à souhaiter que la gestion des comptoirs de vente de nos Foyers soit confiée au Commissariat à condition que tous les excédents soient systématiquement versés aux Foyers pour assumer le fonctionnement et le financement de l’ensemble des activités, récréatives, éducatives, culturelles, sociales, sportives et nautiques que nous avions mission d’organiser à tous niveau des Equipages, des Officiers Mariniers, des Officiers. Cela aurait pu se faire sous forme du ‘’Fonds Commun’’ géré par le Service Central ou au niveau des FEF. Car rien dans mon « projet » ne changeait dans l’organisation générale. Dans ma tête d’ailleurs, l’essentiel était que je ne voulais plus (plus jamais) être salarié d’un employeur qui dépendait pour l’essentiel de la quantité de bière consommée. Qui a compris cela ? Aucun de mes amis, aucun ! J’ai donc démissionné !

Je suis resté en relation amicale avec Guy SENEGAS jusqu’à son décès.

Nous sommes restés fraternellement liés, Daniel LARCHER et moi et ça dure… Je suis d’ailleurs persuadé que si nous avions été géographiquement plus proches nous aurions réussis à traiter cette question délicate d’une autre façon qu’elle a été tranchée. Il en est un autre qui aurait pu remettre mes idées en valeur, c’est Jean OSTREICHER en raison des fonctions exceptionnelles qu’il a occupé « es qualité » au niveau Interarmes (CIFA Angoulème) et au niveau du Service Central Sports et Foyers, mais il n’a pas voulu !

 

L’APPORT DES ASFO MILITAIRES

 

Et pourtant, il était facile de constater, dés 1959, que la militarisation des Directeurs de Foyers Marine était, à brève échéance, inéluctable étant donné l’allongement du service militaire pour tous les Appelés (27 mois, c’est-à-dire plus de deux ans sous l’uniforme) et l’importance, l’influence, la notoriété dont bénéficiaient nos Foyers ouverts désormais à tous les militaires des autres Armes, ce qui nous valut d’être enviés aussi bien par l’Armée de Terre que de l’Air, laquelle d’ailleurs entreprit d’enquêter auprès de nous pour savoir comment s’y prendre pour en faire autant.

La fréquentation de nos Foyers d’Afrique de Nord fut telle qu’il fallut chercher et trouver du personnel. C’est ainsi que furent recrutés des « Elèves Assistant de Foyers militaires » choisis parmi les étudiants des Grandes écoles ou des Ecoles normales de l’Education nationale. Leur assimilation au grade d’Aspirant ne posa aucun problème.  C’est ainsi qu’environ 500 à 600 de ces jeunes gens ont effectué leur service militaire sous l’uniforme des Foyers.

Cette situation particulière eut d’autres conséquences. Le PCDF de cette époque assumait la Direction non seulement des FEF existants, mais d’un nombre important de Foyers Annexes en progression constante et rapide. L’Affectation de nombreux militaires au service des Foyers eut pour résultat d’obliger, en quelque sorte, ces « Directeur de Foyers Civils » à commander des militaires. Ce qui, bien évidemment, changeait la donne ! Dès lors, les Directeurs de FEF furent effectivement considérés comme tous les autres directeurs de services régionaux placés sous les ordres directs des Préfets Maritimes. Cela bien évidement valorisait la fonction mais préparait de fait (que cela plaise ou non) la militarisation.

 

L’ACTION PSYCHOLOGIQUE RECONNUE

 

Dans le même temps des « organisations subversives » se constituèrent au sein des Armées par le biais de nombreux communistes rappelés sous les drapeaux et qui, d’abord de manière feutrée puis de plus en plus agressive, tentèrent de jeter le trouble au niveau des Armées. Je passe sur les arguments… je les développerai dans un autre chapitre. A ce niveau je me contente d’évoquer ce que l’on appelait « l’organisation du contingent », voire les « comités de soldats ». J’eus la surprise, un jour, de découvrir qu’un de ces groupes (interarmées s’il vous plait) se réunissait au Foyer à mon insu. Je n’ai pas tardé à comprendre pourquoi. Mais cela ne réglait pas le problème.

Des officiers du Renseignement avec lesquels j’entretenais des relations épisodiques, informés par mes soins, me demandèrent de laisser faire « pour voir » ! Parmi ces officiers, l’un d’eux s’interrogeait sur le bien-fondé des Foyers. Constatant l’influence considérable que j’avais à cette époque sur l’ensemble des Unités de la base stratégique, en vint à me faire surveiller à mon insu. Le secret ne fut pas long à être révélé et je fus étonné de la chose. Pourquoi cette méfiance ? Et jusqu’où et sur quels motifs portaient ces soupçons ? Je raconterai ailleurs en détail ce qui m’est arrivé par la suite du fait de ce même officier supérieur de Chasseur Alpins affecté, je ne sais pourquoi, au « Service de renseignement » de la base stratégique de Bizerte.  Mais je ne puis éviter d’évoquer cet épisode dont je me suis très vite rendu compte qu’il avait pour objet de limiter non seulement l’influence que j’avais acquise auprès des combattants, y compris (et surtout) auprès des Fusiliers marins du BIFM et des Parachutistes venus d’Alger à notre secours fin juillet 1961, mais celles étonnantes pour qui n’est pas marin, du « système Foyers ».

 

D’aucun lisant ces souvenirs « écrits à bâtons rompus » estimeront peut-être que je mélange tout. C’est un peu vrai ! D’autant qu’à l’heure où j’écris (j’ai 84 ans), le nombre et la variété des souvenirs s’est accumulé. Les mettre en ordre et dans l’ordre est chose compliquée ! Mais une chose est sûre : rien de ce que j’ai vécu sous l’uniforme de Directeurs de Foyers de la Marine nationale et que je raconte ne s’est écarté :

1) Des règles de service à bord qui régissent la vie des équipages. Je crois devoir l’affirmer ici avec insistance, parce que je suis un « produit maison », issu directement des Ecoles Préparatoires de la Marine dont je fus l’élève à partir de l’âge de 16 ans.

2) Du principe fondamental qui préside à l’organisation des Foyers des Equipages de la Flotte puis à la création du Personnel Civil de Direction des Foyers par Monsieur Georges Elysée GRANDPERRIN, bien que, dans mon cœur, je sois resté militaire à 100% du début à la fin de cette expérience « Foyers ». 

 

Un Directeur de Foyer « Marine » doit être là où le marin a besoin de lui. Par la force des choses et des événements, je me suis trouvé être au service des armées venues combattre à Bizerte. J’ai agi en conséquence. J’écrirai ailleurs ce que furent mes relations avec les officiers mariniers et les sous-officiers des Armées de Terre, de l’Air et de la Gendarmerie mais encore de très nombreux officiers de tous grades et jusqu’au plus haut niveau de la hiérarchie militaire. Plusieurs ont tenus à m’écrire leur témoignage, j’ai conservé ces documents car ils constituent chacun des preuves de ce que je raconte.

 

Il y a encore autres choses que je souhaite souligner, je suis chrétien, catholique et fier de l’être. Sans la Foi qui n’a cessé d’animer ma vie au quotidien, sans l’amitié réelle dont Daniel LARCHER a fait preuve à mon égard (il me pardonnera de préciser que comme Monsieur  GRANDPERRIN  il est Protestant), jamais je n’aurais ni persévéré dans les Foyers, ni supporté ce que les circonstances m’ont imposé, ni atteins les compétences qui furent les miennes après que LARCHER ait quitté Bizerte et que je sois promu (très vite) Directeur.

 

Ce sont aussi de nombreux amis officiers de Marine ou de la Marine qui m’ont soutenu, encouragé, supporté… Ainsi, ce sera mon dernier exemple… Je n’avais pas les moyens de me payer une voiture. Ma voiture fut donc souvent celle des LARCHER, mais également celle des pilotes (à Karouba), des commandants de certains dragueurs ou vedettes (à La Pêcherie) qui me confiaient, tous et chacun, leur véhicule lorsqu’ils partaient en missions de guerre. Je raconterai tout cela. A tous va ma reconnaissance, pour l’éternité !  

 

EN GUISE DE CONCLUSION

 

Que me faudrait-il ajouter pour mieux cerner ce que fut la « Philosophie des Foyers de la Marine nationale » ?

 

Beaucoup, beaucoup de choses, j’ose une affirmation. Partout où il fut appelé à exercer, le PCDF a tout particulièrement influencé les Equipages par son état d’esprit. J’en veux pour preuve (entre autres) ma propre expérience à Bizerte (Tunisie) où, cinq années durant, j’ai assumé la direction de trois Foyers totalement différents (Base Aéro, Arsenal, SG (?)). J’y ai, tellement gagné les cœurs, que ce fut l’Amiral AMAN, Préfet Maritime, en personne, qui a souhaité (et obtenu) que je sois désigné en qualité de Chef du Service récréatif de la Base stratégique. Mission que j’ai assumée du mois de mai 1961 au mois de mars 1962, date de mon affectation au Groupe Armorique de Brest. C’est-à-dire tout le temps de ce que l’on appelle « les événements de Bizerte » dont je relate l’essentiel dans le présent « cahier ». On pourra ainsi constater que j’ai vraiment exercé mes fonctions en « théâtre d’opération ».

 

Comme je me suis efforcé de le décrire, la spécialité Foyer procède d’un homme exceptionnel, Monsieur Georges Elysée GRANDPERRIN, d’une part et la nécessité absolue de changer les mentalités, d’autre part. La Marine avait besoin, non seulement de se moderniser, mais de s’ouvrir et d’améliorer singulièrement la vie des Equipages. Se moderniser en l’occurrence n’était donc pas un état de chose mais un état d’esprit.

Les Foyers ont permis, c’est sûr, de changer l’état d’esprit. Ils n’ont pas changé ni les Marins, ni la Marine, mais ils ont apporté à tous, une bonne bouffée de « bon air frais » ! L’accueil de ce « personnel bâtard », en uniforme mais sans galons, assimilé à un grade d’officier, mais n’ayant pas toujours l’esprit militaire, faisant acte de présence au sein même des équipages alors que tout le monde est au repos… fut (par beaucoup et d’emblée) mal toléré. J’ose écrire que le PCDF fut acculé à procéder comme le « Petit Prince » de St-Exupéry, c’est-à-dire apprivoiser son entourage.

Apprivoiser, c’est peu dire car nous avons en connu, côtoyé, supporté souvent l’intolérable, malgré des salaires de misère, des horaires de travail ahurissants, mais une volonté de rendre un vrai service à la Marine, du haut en bas de l’échelle.

Dès lors, les agressifs sont devenus moins farouches, les craintifs moins méfiants, les colériques moins dangereux, les indifférents plus attentifs. Enfin, parmi ceux (il y en avait, il y en a eu d’emblée) qui avaient la capacité de discerner, nous nous sommes faits de vrais, de grands, de très nombreux amis. C’est à ceux-là que nous devons d’avoir été en capacité de réaliser des prouesses. J’évoquerai les miennes aux chapitres de mes affectations successives à Lann-Bihoué, Karouba, Sidi Abdallah, La Pêcherie, le Groupe Armorique et enfin le Porte-Avions FOCH en qualité de réserviste le temps d’une période de 22 jours en mai 1980.

Oui, je les écrirai car c’est justice, même s’il est bien clair qu’aujourd’hui tout le monde s’en fou et ce n’est peut-être pas « plus mal » compte tenu l’état d’esprit du moment…

 

François LAGNEAU, ce 15 septembre 2018